mercredi 30 avril 2008

Nicolas Sarkozy, président de la régression sociale


Ségolène Royal à Vaulx le 31 mai 2007

Entretien de Ségolène Royal pour "l'Hebdo des socialistes" n° 487 du 3 mai 2008.

Candidate socialiste de l’élection présidentielle de 2007, Ségolène Royal dresse le bilan de la première année de Nicolas Sarkozy au pouvoir. La présidente de la région Poitou-Charentes revient sur une année où les Français ont vu leur pouvoir d’achat s’amoindrir et appelle à une opposition constructive contre des "injustices profondes".

Quel bilan faites-vous de cette première année de Nicolas Sarkozy au pouvoir ?
C'est une année perdue. Il y a eu bien sûr le fiasco du paquet fiscal, avec 15 milliards d’euros chaque année et notamment un bouclier fiscal qui rapporte 350 millions d’euros à 20 000 personnes. Je rappelle au passage que contrairement à ce que dit Nicolas Sarkozy, la plus grande partie des 5 milliards d’euros consacrés aux heures supplémentaires vont aux entreprises, et non aux salariés concernés.
Ces derniers ne touchent en moyenne que 4 euros pour 45 minutes de travail en plus ! Je rappelle aussi que la déduction fiscale des intérêts d'emprunts ne profite trop souvent qu'à ceux qui seraient de toute façon devenus propriétaires...
Les autres, ceux qui auraient besoin d'être aidés, en sont pour leurs frais.
Les caisses de l’État ont été vidées, comme l’a lui-même reconnu Nicolas Sarkozy, et cela n’a provoqué aucun retour de la croissance. Au contraire, la rigueur est déjà là. La grande majorité des salariés paie pour les dépenses inefficaces et injustes de ce gouvernement et subit la hausse des prix sans que le pouvoir ne réagisse. Dernier exemple en date, le RSA, qui était au départ une bonne idée, sera financé par la suppression de la Prime pour l’emploi pour cinq millions de salariés modestes. Au lieu d’être le président du pouvoir d’achat, il est président de la régression sociale et de la baisse du niveau de vie.

Vos craintes ont donc bel et bien été confirmées ?
Oui. Nicolas Sarkozy paie aujourd’hui pour ses promesses inconsidérées. Nous savions que ce qu’il promettait ne serait pas tenu. Cette conception du pouvoir et de la politique, je l’ai dénoncée pendant la campagne et je continue de la critiquer. Dans un contexte de crise et d’angoisse, la posture consistant à annoncer qu’on allait régler tous les problèmes a d’abord rassuré.
Mais c’était une imposture qui aujourd'hui conduit à une déception cruelle. Le résultat est une grave crise politique et morale qui rend toute réforme impossible.
On n’avait jamais vu, en France, des manifestations de retraités et de handicapés. Car ces fameuses « réformes " menées, elles ont été soit injustes, soit partielles, soit les deux. Et elles sont de plus en plus désordonnées.
J’ajoute que sa pratique du pouvoir a été hyper personnalisée et d’une grande désinvolture. Le résultat, c’est qu’au lieu d’un choc de confiance, on a un choc de défiance. Ce Président avait beaucoup de cartes en main, il y a un an : il les a gaspillées. Il ne faut pas s'en réjouir. La situation de la France est grave aujourd’hui.

Expliquez-vous l'impopularité de Nicolas Sarkozy après cette première année à la tête de l'Etat ? Et si oui, comment ?
Je crois que l’impopularité record de Nicolas Sarkozy, un an à peine après son élection, est due avant tout à l'échec sur le pouvoir d'achat, même si son comportement personnel cet hiver a rendu cet échec encore plus insupportable.
La déception est d’autant plus forte que les attentes étaient grandes. Il a promis la rupture, mais il conduit tout simplement une politique de droite. Lorsqu’ils regardent autour d’eux, les gens, même ceux qui ont voté pour lui, se rendent compte que rien n’a changé en mieux depuis l’élection présidentielle.

À quoi le pays doit-il s'attendre aujourd'hui, et comment l'opposition doit-elle réagir ?
Il ne faut pas s’attendre à autre chose qu’une rigueur qui ne veut pas dire son nom… La dernière intervention du Président (émission du 24 avril) n’a rassuré personne sur ce point… et sur les autres. Aujourd’hui, nous avons le
devoir de lui rappeler sans cesse ses engagements de campagne, sur les petites retraites, sur les salaires, ainsi que sur la politique étrangère. Nous avons le devoir de dénoncer les contrevérités ou les approximations, elles ont été nombreuses lors de cette émission.
Par exemple sur l'éducation nationale, où il donne l'image d'une France en situation d'échec pour justifier des suppressions de postes aveugles qui pénalisent de façon scandaleuse de nombreux territoires. Ou encore sur les retraites, car c'est bien la baisse des pensions qui est programmée si on ne parvient pas à résoudre la question de l'emploi des plus de 55 ans et si on ne parvient pas à prendre en compte la pénibilité des métiers.
Nous avons enfin le devoir de montrer qu'une autre politique est possible, donc de marteler nos contrepropositions.
Elles passent par l'annulation du paquet fiscal et sa redistribution d'abord sur le pouvoir d'achat, notamment à travers une baisse de la TVA et le doublement de la Prime pour l'emploi, mais aussi sur l'innovation et la recherche, enfin suret la recherche, enfin sur le désendettement. Mais il nous faudra aller plus loin. Les Français nous l’ont dit lors des dernières élections municipales et cantonales : ils n’en peuvent plus de ce désordre permanent et de cette injustice profonde. Et en même temps, ils ont su être attentifs à nos projets locaux, qu’ils ont soutenus par un vote d’adhésion.
Nous devons à la fois protéger, imaginer et apporter la preuve de l’efficacité de l’action politique au service d’un idéal !

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